Objectifs :
- Mettre l’accent sur le problème de résistance aux agents antimicrobiens.
- Illustrer le potentiel antiseptique des plantes médicinales les plus décrites dans la littérature scientifique.
Sommaire :
1-Maladies infectieuses et problème de résistance aux agents antimicrobiens
Selon les chiffres statistiques de l’organisation mondiale de la santé (OMS), la prévalence des maladies infectieuses atteint un chiffre alarmant. Le paludisme touche 300 à 500 millions des cas dans le monde, il est estimé qu’il existe 333 millions des cas des maladies sexuellement transmissibles (syphilis, gonorrhée, chlamydia et trichomonas), 33 millions des cas de VIH/sida, 14 millions des personnes infectées par la tuberculose et 3 à 5 millions des cas de choléra (OMS 2010).
Selon le Center for Disease Control and Prevention (CDC), chaque année environ 48 millions d’épisodes de diarrhée entraînent 128 000 hospitalisations et 3 000 décès dus aux infections gastro-intestinales. Aux États-Unis, le virus de la grippe infecte chaque année de 10 à 40 % de la population mondiale. Sur la base des estimations du CDC, il y avait 59 millions de personnes infectées pendant la pandémie H1N1. En 2020, l’épidémie de COVID-19 était responsable de la mort de 3.8 millions d’individus dans le monde [1].
Avec l’augmentation de la prévalence des maladies infectieuses dans le monde, l’usage incontrôlé et abusif des antibiotiques a provoqué l’apparition des souches résistantes aux antibiotiques. Les bactéries pathogènes comme S. aureus, E. coli, K. pneumoniae, A. baumanii et P. aeruginosa deviennent de plus en plus résistantes aux antibiotiques avec un pourcentage effrayant : 37 %, 27%, 0,35%,45 % et 52 %. Le coût des pertes économiques total lié à la résistance de ces cinq agents pathogènes est estimé de 0,5 milliard de dollars aux États-Unis et de 2,9 milliards de dollars en Thaïlande. Le coût de la résistance bactérienne aux antibiotiques, associé à la consommation d’une unité standard (US) d’antibiotiques, est estimé de 0,1 $ pour les macrolides et 0.7$ pour les quinolones [2].
En Tunisie, la résistance bactérienne des souches de pneumocoques aux pénicillines et aux macrolides est située entre 60 et 70 pourcent et elle est en train d’augmenter d’une façon exponentielle [3]. Pour les virus, la résistance aux antiviraux pose aussi un problème majeur, essentiellement avec les mutations et l’émergence des nouveaux variants d’herpès et d’hépatite B [4].
Certaines espèces fongiques comme C. glabrata, Aspergillus, Scedosporium, Fusarium deviennent de plus en plus résistantes aux agents antifongiques (la famille des Azolés) [5].
La seule solution pour éviter ce grand problème de santé publique consiste à faire des recherches pour inventer des nouveaux agents antimicrobiens efficaces, ou bien tout simplement se procurer des molécules antiseptiques présentes naturellement dans les plantes médicinales dont les effets sont prouvés dans les études in vivo, in vitro et les essais cliniques.
2- Les plantes antiseptiques
Les plantes médicinales citées ci-dessous contiennent des substances actives à effet antibactérien, antivirale et antifongique.
2-1- Le clou de girofle (Syzygium aromaticum)
Le clou de girofle est une plante médicinale qui appartient à la famille des Myrtacées. Les parties utilisées de la plante sont généralement les boutons floraux. En médecine ayurvédique, il est largement utilisé comme épice pour la cuisson d’un plat traditionnel appelé Curry. Il possède un pouvoir antiseptique puissant grâce à la présence d’un principe actif appelé Eugénol, qui représente 18 pourcent de l’huile essentielle. Ainsi que des propriétés anti-oxydantes et anti-inflammatoires grâce à la présence de plusieurs autres principes actifs (kaempferol, biflorin, 5, 7-dihydroxy-2-methylchromone-8-C-β-D-glucopyranoside, orsellinic acid glucoside, myricetin, rhamnocitrin, gallic acid, oleanolic acid, ellagic acid, flavonoides, triglycoside) [6].
Les études in vitro montrent que l’eugénol exerce une activité antibactérienne contre une large variété des bactéries pathogènes, notamment les bactéries à gram positif et à gram négatif [7]. Une étude publiée dans le journal de family medicine a examiné l’effet de l’extrait de clou de girofle sur 221 bactéries à gram négatif qui sont responsables d’infections urinaires et qui produisent les bêta lactamases (responsablent de la résistance à la famille des antibiotiques bêta lactamines). Les résultats ont montré que l’extrait exerce une activité bactéricide chez toutes les bactéries à gram négatif avec une concentration minimale inhibitrice de 0.39 mg/ml.
L’effet de clou de girofle sur les bactéries pathogènes de la cavité buccale a été examiné dans une étude publiée dans le journal of Natural products qui a montré que les composés actifs du clou de girofle exercent une activité anti-bactérienne contre Porphyromonas gingivalis et P. intermedia [8].
Une étude récente a montré que l’huile essentielle du clou de girofle exerce une action antifongique contre les espèces fongiques résistantes au fluconazole. L’étude a montré que les composés actifs de l’huile essentielle détruisent la membrane cellulaire de l’espèce de candida albicans en agissant sur l’ergostérol (un composé de la membrane des cellules fongiques) [9].
2-2- La cannelle (cinnamone cassia)
Plusieurs études in vivo ont exploré l’efficacité des composés actifs de la cannelle sur la multiplication des agents microbiens (bactéries, virus et souches fongiques). En faite, il existe 294 publications scientifiques dans Pubmed portant le nom de (antibacterial activity of cinnamon). Une étude publiée en 2015 dans le journal de Nutrient a illustré des études in vitro qui montrent une activité antibactérienne puissante contre plusieurs bactéries pathogènes : Klebsiella pneumonia, Bacillus megaterium NRS, Pseudomonas aeruginosa, Staphylococcus aureus, Escherichia coli, Enterobacter cloacae, Corynebacterium xerosis et Streptococcus faecalis [10]. Certaines études ont montré que la cannelle exerce une action antibactérienne contre les bactéries pathogènes de la cavité orale comme streptococcus mutans [11].
Selon une étude publiée dans le journal de Food Born pathogens l’extrait de cannelle exerce une activité antibactérienne contre la majorité des bactéries responsables d’intoxications alimentaires comme Salmonella typhimurium, S. aureus, E. coli, Arcobacter butzleri et Arcobacter skirrowii. L’étude a montré que l’huile essentielle peut être utilisée dans la décontamination et la conservation de la viande [12].
2-3- La bardane (Arctium lappa L)
La Bardane est une plante médicinale originaire du bassin méditerranéen et des îles britanniques qui appartient à la famille des Acéracées. Elle possède plusieurs propriétés médicinales bénéfiques pour la santé. Les racines et les feuilles contiennent des principes actifs amers à activité antiseptique, diurétique, détoxifiante, antioxydante et antidiabétique. Les composés majeurs sont les tannins, arctigenin, arctiin, beta-eudesmol, l’acide caféique, l’acide chlorogénique, inulin, trachelogenin 4, sitosterol-beta-D-glucopyranoside, lappaol et diarctigenin.
Il a été démontré dans des études in vitro que les composés actifs de cette plante exercent une action antibactérienne contre plusieurs bactéries pathogènes notamment : Bacillus subtilis, Candida albicans, Lactobacillus acidophilus et Pseudomonas aeruginosa [16]. L’acide chlorogénique isolé à partir des feuilles inhibe la multiplication d’Escherichia coli, Staphylococcus aureus et Micrococcus luteus [17].
Les composés phénoliques (acide caféique et acide chlorogénique) exercent une activité inhibitrice contre les virus de la famille des herpès (HSV 1 et 2) [18]. L’Arctigenin exerce une action inhibitrice in vivo et in vitro contre le virus d’immunodéficience humaine HIV [19].
Une étude clinique randomisée publiée dans le journal de Helicobacter, a exploré l’effet de l’extrait de bardane sur l’infection à helicobacter pylori chez 46 patients qui ont été subdivisés en 2 groupes, un groupe traité au nombre de 19 et un groupe placébo au nombre de 17. Les résultats ont montré que le traitement inhibe l’adhésion de la bactérie pathogène aux cellules épithéliales gastrique et diminue l’inflammation d’une manière significative par rapport au placébo [20].
Les études cliniques qui portent sur l’effet de la bardane sur les maladies infectieuses chez les humains sont rares dans la littérature.
2-4- Le thym ( thymus vulgaris )
Une étude clinique publiée dans le journal de Advances in medical and biomedical ressearch a exploré l’effet de l’usage de l’huile essentielle de thym (thymus vulgaris) sur les paramètres d’inflammations et les symptômes chez 84 patients atteints d’une infection virale à COVID-19. Les patients ont pris un sirop (5 ml) à base d’huile essentielle de thym 3 fois par jour. Après une semaine les chercheurs ont examiné les patients pour évaluer les différents symptômes (fièvre, maux de tête, fatigue, anorexie, faiblesse musculaire et dyspnées) et les paramètres biochimiques suivants : le taux de nitrogène dans l’urée, le nombre des neutrophiles, le taux de calcium et le nombre des lymphocytes. Les résultats ont montré que le traitement améliore d’une manière significative les symptômes associés à l’infection (P<0.001) en réduisant le taux de nitrogène urinaire (P<0.004) ainsi que le taux des neutrophiles (p<0.01) [22].
2-5- Le romarin (Rosmarinus officinalis)
Le romarin est une plante médicinale originaire du bassin méditerranéen, qui appartient à la famille des Lamiacées. Les feuilles sont utilisées en phytothérapie grâce à leurs propriétés médicinales multiples : anti-inflammatoire, anti-oxydante, antiseptique, expectorante, hépato protectrice et antirhumatismale. L’Huiles essentielles contiennent plusieurs principes actifs : 1,8 cinéole, alpha-pinène, camphre de romarin, bornéol, camphène, flavonoïdes (lutéoline, apigénine, quercétine et diosmine), diterpènes (acide carnosolique et rosmadial), triterpènes, stéroïdes (acide oléanolique et acide ursolique), tanins et l’acide rosmarinique.
2-6-L’huile essentielle d’arbre de thé (Melaleuca alternifolia)
C’est un arbre médicinal qui appartient à la famille des Myrtacées qui contient 230 espèces différentes originaires d’Australie. L’huile essentielle de l’arbre du thé est distillée à partir des feuilles et utilisée par l’armée d’australie pendant le XXème siècle dans les kits médicaux, grâce à ces effets antiseptiques puissants. Son utilisation est très répandue dans les produits cosmétiques, les détergents et les shampoings.
Etude Clinique sur le pied d’athlète :
Le pied d’athlète ou La Tinea pedis est une infection fongique qui se trouve principalement entre les orteils et à la plante des pieds, on l’appelle communément pied d’athlète. Une étude clinique randomisée publiée dans le journal de dermatology, portée sur 137 patients atteint de tinea pedis. Les participants ont été subdivisés en 3 groupes : le 1er groupe (n=36) traité avec une solution (1) contenant 25% d’huile essentielle d’arbre de thé, le 2ème groupe (n=38), traité avec une solution (2) contenant 50% d’huile essentielle d’arbre de thé, le 3ème groupe (n=46) traité avec un placébo. Le traitement a duré 4 semaines. Les résultats ont montré que le traitement à base d’huile essentielle exerce une action antifongique plus significative que le placebo (P < 0,0005). Le taux de guérison était de l’ordre de 48 % dans le groupe traité avec la solution 1 (25 % EE d’arbre de thé), 50 % chez le groupe traité avec la solution 2 (50 % TTO) et 13 % pour le groupe (placebo) [27].
Références
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